Conférence : Apports et limites du co-design dans le développement d’innovation en santé

Présentée le 17 décembre 2019, dans le cadre des Conférences scientifiques du Centre de recherche sur le vieillissement, cette conférence-atelier a permis de souligner les apports et limites des approches de codesign en santé, de façon à mieux saisir leurs modes d’application et les défis qu’elles recèlent. Il s’agissait d’une occasion pour les étudiants comme pour les chercheurs de se familiariser avec ces approches, d’échanger sur leur propre expérience de celles-ci et d’en faire l’expérimentation.


Captation complète des conférences


Présentation des conférencières

Du papier à l’écran : Co-concevoir un agenda du sommeil intégré dans un réseau de soins avec les patients et soignants – Télécharger

Apports et limites du co-design en santé : Vers un modèle de soins intégrés pour des personnes vivant avec la maladie de Parkinson – Télécharger


Contexte de la conférence

Un engouement manifeste se développe autour des approches patients-partenaires, codesign, living labs et autres initiatives portées par les usagers (Bergvall-Kareborn & Stahlbrost, 2009 ; Ghazali, Mat Ariffin, & Omar, 2014). Déplaçant le locus d’innovation pour le mettre entre les mains des utilisateurs finaux, ces méthodes suscitent un intérêt grandissant dans le milieu de la santé, porté par la réduction des cycles de développement et des risques de développement, la meilleure  appropriation par les usagers, une connexion plus riche avec ceux-ci et un enrichissement du processus d’innovation (Dubé et al., 2014). Qui plus est, ces approches ouvertes et inductives proposeraient une alternative à la médecine portée par les évidences (Evidence Based Medicine), dont certaines « lois » trouvent peu d’écho dans le quotidien des patients (Agogué, Comtet, Menudet, Picard, & Le Masson, 2013). Malgré leurs promesses, ces approches comportent de nombreux défis et limites : tensions entre les parties prenantes, paradoxes émanant de la démarche in media res (en train de se faire) (Leminen, DeFillippi, & Westerlund, 2015), motivation et engagement difficile à maintenir (Callari et al., 2019).  Aussi, les méthodes par et pour doivent prendre en compte ces enjeux.


Les défis présentés

Après avoir exposé la filiation de leurs approches de co-design respectives – Recherche-projet, l’innovation sociale par le design, le design social, l’innovation sociale et numérique et l’éthique créative des technologies pour Marie-Julie; le Participatory Design et Experience-Based Co-Design pour Sylvie – les conférencières ont par la suite présenté les défis et apports de ces approches tels qu’ils les ont expérimenté dans leur projet.

Trois catégories de défis

Pour Sylvie Grosjean, les défis du co-design sont de trois ordres : pratiques, associés à la gestion et communicationnels.

Défis pratiques

  • Conduire des enquêtes de terrains en contexte clinique.
  • Engager toutes les parties prenantes.
  • Gérer des situations sensibles (personnes vulnérables, informations intimes, etc.).
  • Adapter nos techniques de facilitations (risques de stigmatisation)

Défis dans la gestion de projet

  • Restrictions financières et manque de ressources.
  • Gestion du temps (pression temporelle)
  • Construire une compréhension partagée du processus.
  • Sécuriser le financement.
  • Aspects Éthiques

Défis communicationnels

  • Communiquer et partager les valeurs d’une approche de co-design (aligner nos attentes)
  • Motiver toutes les parties- prenantes à prendre part au projet et maintenir dans le temps leur engagement.
  • Développer un langage commun (intercompréhension).

Les défis au regard des parties prenantes

Pour Marie-Julie Catoir Brisson, l’on peut appréhender les apports et défis selon le point des différents partenaires du co-design, entre autres, les participants et les chercheurs.

Apports du co-design

Apports du co-design

  • Au niveau de acteurs : inclusion, implication, expressivité, réflexivité
  • Au niveau de la recherche : démarche itérative ancrée dans le projet, nouvelles méthodes de production, de collecte et de traitement des données.

Limites du co-design

  • Recrutement parfois difficile
  • Gestion des itérations et des chemins inattendus
  • Engagement sur long terme
  • Décalage entre les temps de la recherche (long) et du projet (rapide)
  • Statut énociatif du chercheur et du designer (qui est-il, quel est son rôle, son expertise)
  • Enjeux politiques et éthiques

À propos des conférencières

Les conférences comme les ateliers seront présentés par la Pre Sylvie Grosjean : Professeure titulaire, directrice des études supérieures, département de  communication, University of Ottawa et la Marie-Julie Catoir-Brisson : Maîtresse de conférences en design et communication, Université de Nîmes (France). Spécialisée en communication dans les organisations et dans le design participatif, la Pre Sylvie Grosjean travaille au sein d’équipes interdisciplinaires nationales (ex. Canadian Institutes of Health Research, Institut de Recherche de l’Hôpital Montfort) et internationales (ex. Neurodegenerative Disease Research, Institut de Recherche en Santé Publique de France) afin de mettre en place des dispositifs d’aide aux patients atteints de Parkinson et dans la prise de décisions cliniques. Dans un axe de recherche similaire, Marie-Julie Catoir-Brisson développe des méthodologies de co-design s’appuyant sur la photo, la vidéo et le design graphique, contribuant ainsi au développement des méthodes visuelles, créatives et narratives et à leurs applications, notamment, dans les soins du sommeil.


Quelques références

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